A new two-part article published in
Le Quotidien Jurassien, with the journalist drawing on his encounter with Stéphane during the Swiss Nationals in Bienne in December 2019:
www.laliberte.ch/news/sports/autres-sports/stephane-lambiel-l-eternel-artiste-550639Stéphane Lambiel, l’éternel artiste
18.01.2020
Il y a 15 ans, le Valaisan décrochait le titre mondial. A 34 ans, il vit toujours à fond sa passion du patinage
ALEXANDRE LACHAT
Patinage artistique » Ado, il rêvait de devenir pédiatre. Son destin a fait de lui un patineur et un artiste! Durant toute sa carrière de compétiteur, Stéphane Lambiel a magnifié Le Roi Arthur de Hans Zimmer, Les Quatre saisons de Vivaldi, le Guillaume Tell de Rossini ou encore La Traviata de Giuseppe Verdi, lorsqu’il n’enflammait pas son public sur les sons d’un flamenco sulfureux. Le patinage, c’est toute sa vie.
«Oui, c’est vrai, je me souviens que je vous avais fait part de mon désir de devenir pédiatre en janvier 2002 à Lausanne, au lendemain de ma quatrième place aux championnats d’Europe», sourit le Valaisan, rencontré le mois dernier à Bienne, lors des championnats de Suisse. «Et me voilà devenu pédiatre... pour les patineurs!»
Bonne hygiène de vie
Depuis six ans, en effet, Stéphane Lambiel dirige sa propre école, au Palladium de Champéry, la Skating School of Switzerland. Sur les hauteurs chablaisiennes, il accueille les patineurs du monde entier. «Ce qui me plaît avant tout dans cette activité, c’est de transmettre la discipline et l’hygiène de vie que m’ont inculquées mes parents autrefois. Je répète sans cesse à mes élèves: «On n’a qu’un corps, il faut en prendre soin.»
Un sain principe que le double champion du monde 2005 et 2006 continue d’appliquer à lui-même. «Oui, je fais attention à ce que je mange», poursuit-il, volubile et avec cette gentillesse qui semble ne jamais devoir le quitter. «J’ai de la chance: j’adore cuisiner! Les heures de sommeil sont aussi très importantes; il m’en faut au moins huit par nuit.»
Un style de vie qui lui permet, aujourd’hui encore, de présenter des programmes époustouflants, lors des quelque 40 spectacles durant lesquels il se produit chaque année. «Je fais de la condition physique tous les jours, je m’entraîne sur glace deux ou trois fois par semaine. Oui, je tiens toujours la forme!» A tel point qu’il s’offre parfois un rare plaisir lors de certains galas... «C’est vrai, vous l’aviez remarqué? Oui, j’ai présenté un quadruple toeloop l’an dernier à Art on Ice!»
Son propre spectacle
Une revue qui éblouira à nouveau les publics de Zurich, Lausanne, Bâle et Davos du 6 au 16 février, mais à laquelle il ne participera plus cette année. «J’y ai pris beaucoup de plaisir durant 17 belles années, mais il était temps de tourner la page, de passer à autre chose. A moyen terme, j’aimerais produire mon propre spectacle, comme j’avais commencé à le faire avec Ice Legends, aux Vernets, en 2014 et 2016.»
Le patinage, les galas, le spectacle. Toute sa vie. «Oui, je m’y éclate, confirme-t-il. Spécialement au Japon, où notre sport est très très populaire et le public fin connaisseur. Du reste, durant l’été, je travaille pour la fédération japonaise.» Comme il bosse depuis le 1er janvier pour Swiss Ice Skating! «Oui, la fédé m’a sollicité pour devenir entraîneur et chorégraphe national, enchaîne-t-il. Attention! Je ne suis pas là pour me substituer aux professeurs privés. J’apporte surtout un complément, ma vision et mon expérience personnelle lors des différents stages nationaux. Les patineurs auront aussi la possibilité de venir s’entraîner chez moi, à Champéry.»
Courses à la Coop
Champéry, le Palladium, lieu de résidence, d’entraînement et de vie de certains des plus grands actuels, comme le Japonais Shoma Uno, vice-champion olympique en titre, Matilda Algotsson, championne de Suède 2019, ou encore le jeune Letton Deniss Vasiljevs, sixième des mondiaux 2018 et qu’il coachera la semaine prochaine à Graz, en Autriche, lors des championnats d’Europe.
«Tous vivent à Champéry, et font leurs courses à la Coop», rigole-t-il. Il se plaît dans son nouveau rôle de professeur, lui, le vice-champion olympique qui, comme tout un chacun, a suivi la filière de formation traditionnelle. «J’ai fait les cours J+S, obtenu mon brevet fédéral à Macolin. C’était super intéressant, très enrichissant aussi, car j’ai eu l’occasion de côtoyer de nombreux sportifs venus d’autres horizons.» C’est à la bande qu’il vibre aujourd’hui et qu’il vit intensément les sauts et pirouettes de ses élèves. «J’adore ça! Je crois que l’adrénaline monte encore plus haut que lorsque c’était moi qui étais sur la glace!»
LE QUOTIDIEN JURASSIEN
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«Moscou, l’instant le plus surprenant»
Stéphane Lambiel a vécu des moments incroyables, avec des hauts et des bas, lors de sa riche carrière.
Combien d’incroyables et passionnants combats Stéphane Lambiel nous a-t-il fait vivre durant la première décennie de ce XXIe siècle! Moscou, Turin, Calgary, Tokyo, Vancouver. Plushenko, Joubert, Lysacek. Autant de villes et d’adversaires qui ont façonné le palmarès et la légende du plus grand patineur helvétique de tous les temps. «Le moment le plus fort de ma carrière? C’est difficile à dire», avoue-t-il. «Il y a eu l’argent obtenu aux JO de Turin, en 2006, bien sûr. Mais je dirais que l’instant le plus surprenant fut mon premier titre de champion du monde, décroché un an auparavant à Moscou. Il n’y avait aucune attente particulière, mais une grosse envie de bien faire. Et je gagne, là, en Russie, où le patinage est roi. C’était fou.»
L’argent olympique puis encore l’or mondial en 2006, du bronze à Tokyo en 2007, et les pépins de santé qui commencent. «Dès 2008, j’ai souffert de la hanche gauche et des adducteurs», rappelle-t-il. «Pendant une année, je n’étais plus vraiment capable de patiner. J’avais perdu mon explosivité, et mon triple axel. J’ai alors ressenti une grosse frustration.» Par dépit, il raccroche ses patins en été 2008, effectue un improbable come-back en septembre 2009, au Nebelhorn Trophy d’Oberstdorf, se qualifie pour les JO de Vancouver 2010 sur les musiques de Guillaume Tell et de la Traviata.
En Colombie britannique, il maîtrise le quadruple toeloop mais renonce au triple axel, ce qui lui coûte le bronze, à 51 malheureux centièmes de point du Japonais Takahashi. Il met un terme définitif à son incroyable carrière sur les bords du Pacifique. «Je n’ai pas de mauvais souvenirs. Ou alors ceux-ci m’ont rendu plus fort.» Aujourd’hui, il a retrouvé toute sa motricité et son explosivité sur son côté gauche. «Je peux à nouveau livrer le triple axel.» Il patine, il danse, il vit son patinage. Avec ceux qui ont fait de lui un artiste. Ce jour-là, à Bienne, il est venu avec ses éternels compagnons de route, Peter Grütter, qui fut son professeur, et Salomé Brunner, sa chorégraphe. «Mais je ne pense pas qu’au patinage», rassure-t-il. «Là, actuellement, je rénove le carnotzet de mon chalet, à Champéry, et je passe beaucoup de temps avec ma nièce, 2 ans le 16 février.» Que fera-t-il quand il sera très très âgé? Il sourit, et désigne d’un signe, avec tendresse, Peter Grütter, son maître, en grande discussion à l’autre bout de la salle: «Je serai toujours dans le monde du patinage. Comme lui.» ALA